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Vietnam (1964)

Le 2 août 1964, dans le golfe du Tonkin, un destroyer américain, le Maddox, est attaqué par des vedettes lance-torpilles nord-vietnamiennes. Le 4 août, nouvelle attaque. Johnson saisit l'occasion. Il réunit les leaders du Congrès, lance un appel à l'unité nationale et fait voter le 7 août une résolution qui autorise le président à riposter comme il l'entend. Les bombardements sur le Vietnam du Nord ont commencé dès le 5. (...)

La vérité devait être révélée partiellement, sept ans plus tard, à la suite de la publication des Papiers du Pentagone, un ensemble de 7'000 pages de documents et d'analyses rassemblées par le département de la Défense en 1967-1968 pour faire le point et livrées au New York Times et au Washington Post par une «fuite».

Le gouvernement américain appliquait, depuis le 1er février 1964, le plan d'opérations 34 A, élaboré par la CIA pour contraindre Hanoi à lâcher le Viêt-cong et le Patheth Lao (le mouvement communiste du Laos).

Des satellites-espions recueillaient des renseignements. Des saboteurs et agitateurs étaient parachutés sur le territoire nord-vietnamien. Des commandos du Sud, conseillés par des Américains, débarquaient sur les côtes du Nord avec pour mission de faire sauter les ponts stratégiques. Des chasseurs-bombardiers T 28, basés au Laos, pilotés par des Thaïlandais sous le commandement d'officiers de la CIA, pillonnaient régulièrement des objectifs ennemis et recevaient l'aide électronique de bâtiments américains, comme le Maddox. L'état-major américain avait dressé la liste de 94 cibles au Vietnam du Nord qui seraient bombardées dès que le Congrès aurait adopté une résolution soutenant l'action du président.

On sait aujourd'hui, grâce à des documents qui ont été ouverts à la recherche historique, que le Maddox n'a vraisemblablement jamais été attaqué, que son commandant a cru déceler des traces de torpilles sur son écran radar, puis s'est rendu compte de son erreur, qu'à Washington le président Johnson [en pleine campagne pour les élections présidentielles] a voulu, quels que fussent les événements, montrer sa détermination. (AK 520-521)

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Les neuf jours du 30 juillet au 7 août 1964 constituent aux yeux de bien des gens la période la plus controversée de la «guerre de vingt-cinq ans». (MN 131)

La nuit du 30 juillet 1964, une mission 34A accomplie par des vedettes sud-vietnamiennes attaqua dans le golfe du Tonkin deux îles nord-vietnamiennes qui, pensait-on, contribuaient aux opérations d'infiltration dans le Sud. Le lendemain matin, le contre-torpilleur américain Maddox, en mission de patrouille DESOTO, pénétra dans le golfe bien à l'écart des îles. Deux jours et demi plus tard, le 2 août à 15h40, le Maddox faisait savoir que des vedettes rapides s'approchaient de lui. Quelques minutes plus tard, il était attaqué par des torpilles et essuyait le feu d'armes automatiques. Le Maddox ne signala ni blessés ni dégâts. Aucun doute n'existait sur la réalité du tir contre le navire. (MN 134)

Le président décida de ne pas exercer de représailles. Il accepta d'envoyer plutôt une note de protestation très sèche à Hanoi et de poursuivre la patrouille en y adjoignant un autre contre-torpilleur, le C. Turner Joy. (...) Nous avons informé les sénateurs que les patrouilles DESOTO et les opérations 34A allaient continuer, et, de fait, un autre raid 34A a eu lieu à peu près à ce moment-là contre la côte du Nord-Vietnam.

Le 4 août à 7h40 (heure de Washington) le Maddox envoya un message radio: une attaque par des bâtiments non identifiés semblait imminente. Il devait cette information à un rapport top secret en provenance de la National Security Agency [NSA], qui avait intercepté des instructions nord-vietnamiennes. Une heure plus tard, le Maddox fit savoir par radio qu'il était entré en contact radar avec trois bâtiments non identifiés. Un porte-avions américain se trouvant à proximité, le Ticonderoga, envoya des avions de combat prêter main-forte au Maddox et au Turner Joy.

Les nuages bas et le temps orageux de cette nuit sans lune rendaient la visibilité extrêmement faible. Pendant quelques heures, la confusion régna dans le golfe. Le Maddox et le Turner Joy signalèrent plus de vingt attaques de torpille, le repérage de sillages de torpille, des lumières de cockpits ennemis, des illuminations de projecteur, des tirs d'arme automatique et des contacts radar et sonar. (MN 136)

Nous n'avions pas pensé (...) que l'attaque du 2 août méritait des représailles, mais une seconde attaque, et, dans notre esprit, non provoquée, contre des navires de guerre américains opérant dans les eaux internationales et exigeait certainement. Nous avons donc rapidement mis au point un plan d'action: les avions des porte-avions iraient frapper quatre bases navales de vedettes nord-vietnamiennes et deux dépôts de carburant qui les approvisionnaient.

L'aéronavale américaine effectua en tout soixante-quatre sorties contre les bases navales des vedettes et un complexe pétrolier qui les approvisionnait en carburant. Cette mission fut considérée comme une réussite – une riposte limitée mais que nous pensions adaptée, à une attaque au moins, et très probablement à deux, contre des navires de guerre américains. (MN 138)

James B. Stockdale – pilote d'avion sur le Ticonderoga en 1964 (...) – affirma dans ses Mémoires qu'il n'avait vu aucune vedette nord-vietnamienne tandis qu'il survolait les deux contre-torpilleurs le 4 août, et qu'il était convaincu qu'il n'y avait eu aucune attaque. La controverse dure encore à ce jour. (MN 139)

6 août: séance du Sénat.

7 août: la résolution est votée par le Sénat et la Chambre. «Le Sénat l'adopta par 88 voix contre 2, la Chambre l'approuva à l'unanimité: 416 voix.» (MN 142)

«L'idée que l'administration Johnson a délibérément trompé le Congrès est fausse. Le problème n'est pas que le Congrès n'a pas saisi la portée potentielle de la résolution, mais qu'il n'a pas saisi la dynamique potentielle de la guerre et la façon dont l'administration allait y réagir.»

-- [AK] André Kaspi: Les Américains, Paris, 1986.

-- [HK] Henry Kissinger: Diplomacy, New York, 1994. (Diplomatie, Paris, Fayard, 1996)

-- [MN] Robert McNamara: In Retrospect. The Tragedy and Lessons of Vietnam, 1995. (Seuil, 1996)

-- [NC] Noam Chomsky: Intervention in Vietnam & Central America (dans: De la guerre comme politique étrangère des États-Unis, Marseille, 2001).


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