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Vietnam

De 1950 à 1954 [...] les États-Unis financent la guerre d'Indochine, celle des Français contre le Viêt-minh. Leur aide est passée de 10 millions à 1 milliard de dollars et a servi à payer les trois quarts des dépenses de guerre de la France. En revanche, le président Eisenhower a refusé, contrairement à l'opinion de son vice-président Richard Nixon, que l'aviation américaine porte secours aux assiégés de Dien Bien Phu. (cf. analyse de Kissinger)

13 mars 1954: attaque générale des forces nord-vietnamiennes contre Dien Bien Phu, où sont placées les troupes d'élite françaises. La France demande l'aide des États-Unis – Eisenhower et Dulles préconisent l'«action unifiée».
7 mai 1954: chute de Dien Bien Phu. – «Comme il arrive souvent lorsqu'on invoque la sécurité collective, l'«action unifiée» s'était transformée en alibi pour ne rien faire.» (HK 571)


Accords de Genève: partage du Vietnam le long du 17e parallèle. Reconnaissance de 3 États neutres: Vietnam du Sud, Laos, Cambodge.

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Puis, à partir de 1954, les Américains occupent à Saigon la place que les Français se sont empressés de leur céder. Maintenant que le Vietnam est divisé en deux États, que sépare le 17e parallèle, ils soutiennent les efforts «démocratiques» de Ngo Dinh Diem, le Premier ministre du Vietnam du Sud. Ils n'ont pas l'intention d'envoyer des soldats. Tout au plus des conseillers, discrets, instruisent-ils les troupes sud-vietnamiennes. (AK 518)

«Diem était le fils d'un dignitaire de la cour impériale de Huê. Elevé à l'école catholique, il avait servi plusieurs années dans l'administration coloniale à Hanoi, puis avait démissionné lorsque les Français avaient refusé de mettre en œuvre certaines des réformes qu'il proposait. Il avait passé les vingt années suivantes en lettré reclus, dans son propre pays ou en exil à l'étranger – principalement en Amérique – refusant les offres des Japonais, des communistes et des dirigeants vietnamiens, appuyés par les Français, désireux de le compter dans leurs divers gouvernements.» (HK 575)

1956: les Etats-Unis bloquent les élections libres qui auraient du réunifier le Vietnam, selon les accords de Genève.

«Few recall that it was we, the self-proclaimed champions of democracy, who in 1956 prevented the elections to unify Vietnam that had been agreed to by France and the United States.» (Robert Scheer, Los Angeles Times, 16/4/1995)

«The Pentagon Papers showed (...) that the U.S. had engaged in covert action against North Vietnam as early as 1954; that the U.S. had undermined the 1954 Geneva Accords by hand-picking and supporting an unpopular South Vietnamese leader who ensured that no post-Geneva elections were held to unify Vietnam.» (Vietnam Veterans of America, vva.org)

Lorsque Kennedy devient président des États-Unis, la situation se complique. Les communistes du Sud ont formé un front national de libération, le Viêt-cong, avec l'appui de Hanoi. Diem n'a pas fait les réformes qu'il a promises. Et Khrouchtchev souffle sur le feu en promettant le soutien de l'Union soviétique aux «guerres de libération nationale».

Des forces spéciales, les «bérets verts», qui relèvent de la CIA, sont dépêchées au Vietnam. Puis, Kennedy envoie des conseillers militaires et deux compagnies hélioportées, mais il refuse en 1961 qu'un contingent de 6'000 à 8'000 hommes aille combattre aux côtés des Sud-Vietnamiens.

En 1962, pourtant, 149 hélicoptères et 73 appareils américains ont déjà effectué 2'048 sorties. Ce sont des missions d'entraînement, dit-on à Washington. La CIA lance des opérations clandestines au Laos et au Vietnam du Nord. Le nombre des conseillers militaires s'accroît. En novembre 1963, Diem est assassiné avec la complicité des responsables locaux de la CIA et lorsque Kennedy tombe, à son tour, sous les balles d'un assassin, on sait que plus de 16'000 soldats américains stationnent sur le territoire de Vietnam du Sud. (AK 518-520)

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KISSINGER: En comprenant le conflit comme un complot coordonné à l'échelle mondiale, Kennedy parvint à la conclusion que c'était en Asie du Sud-Est qu'il devait retrouver sa crédibilité, mise à mal par Khrouchtchev au sommet de Vienne de juin 1961: «Nous avons maintenant un problème», confiait-il à James Reston, alors principal éditorialiste du New York Times, «qui est de rendre notre puissance crédible, et le Vietnam paraît être l'endroit où le faire.» (HK 582-583)

Rapport CIA (1964): «L'échec ici serait dommageable au prestige américain et saperait sérieusement la crédibilité de la volonté et de la capacité des Etats-Unis à contenir l'expansion du communisme ailleurs dans la région.» (MN 128)

Plus de 6000 combattants nord-vietnamiens pénètrent au Laos en 1959, afin d'appuyer le Pathet Lao, mouvement communiste qu'Hanoi avait imposé dans les provinces du Nord-Est, le long de la frontière vietnamienne, depuis les accords de Genève de 1954. (...) En sa qualité de militaire, Eisenhower comprit que la défense du Vietnam du Sud devait commencer par le Laos. (HK 584)

Les premières déclarations de Kennedy concordent avec celles d'Eisenhower. Ebranlé par l'épisode de la baie des Cochons [avril 1961], il renonce toutefois à une action militaire directe [au Laos], préférant s'en remettre à des négociations pour étayer la neutralité laotienne.

Tout en mettant en place leur réseau logistique, la future «piste Ho Chi Minh», les Nord-Vietnamiens firent traîner les pourparlers pendant un an. Finalement, en mai 1962, Kennedy envoya les marines dans la Thaïlande limitrophe. (HK 584) – Suite à quoi le personnel militaire Nord-Vietnamien "se retire".

Mai 1961: le vice-président Johnson est envoyé à Saigon pour «évaluer» la situation. «Ce genre de mission signifie toujours qu'une décision est déjà prise: aucun vice-président ne saurait prendre par lui-même la mesure d'une guérilla qui dure depuis dix ans en une visite de deux ou trois jours.» (HK 587)

Stratégie officielle: «créer dans ce pays une société viable et de plus en plus démocratique» – au moyen d'actions militaires, politiques, économiques, psychologiques et par des actions clandestines. (HK 587)

Pendant trois mois, la crise de Berlin occupa les soins de la Maison-Blanche. «Lorsqu'elle put reporter son attention sur le Vietnam, à l'automne 1961, la situation s'était détériorée au point que seule une intervention militaire pouvait rétablir la sécurité.» (HK 587)

Nouvelle évalutation: l'état-major interarmes recommande l'envoi de 80'000 hommes. McNamara estime que 205'000 seront nécessaires. – «L'amérique n'était pas prête à regarder les choses en face et à admettre qu'elle devait choisir en réalité entre l'engagement total ou le retrait total, et que la politique la plus dangereuse restait celle de l'escalade graduée.» (HK 589)

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Sans doute [Kennedy] se laisse-t-il trop aisément convaincre par les chefs militaires et les rapports de la CIA. Toujours est-il que le nombre des «conseillers» américains du Vietnam du Sud s'accroît, alors qu'ils n'étaient que 685 au printemps de 1961. En juin 1962, 5'576 soldats américains servent au Vietnam du Sud; ils sont 16'732 en octobre 1963 et déjà 489 y ont trouvé la mort. C'est l'engrenage, dont Kennedy porte l'entière responsabilité. L'assassinat de Diem en novembre 1963 complique encore la situation à Saigon. La guerre du Vietnam a commencé. (AK 470)

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-- [AK] André Kaspi: Les Américains, Paris, 1986.

-- [HK] Henry Kissinger: Diplomacy, New York, 1994. (Diplomatie, Paris, Fayard, 1996)

-- [NC] Noam Chomsky: Intervention in Vietnam & Central America (dans: De la guerre comme politique étrangère des États-Unis, Marseille, 2001).


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