[ index | 1970VIETNAM ]

Vietnam (1963-1964)


22 novembre 1963: assassinat de J.F. Kennedy. Le vice-président Lyndon Johnson prend sa succession.

«La situation dont Johnson avait hérité au Vietnam n'aurait pu être plus complexe, difficile ou dangereuse. (...) Il n'a jamais pu comprendre la nature fondamentalement politique du conflit. (...) Le président Johnson ne cacha pas à Cabot Lodge [ambassadeur à Saigon] qu'il voulait gagner la guerre et que, dans l'immédiat du moins, il entendait que priorité soit donnée aux opérations militaires sur "ce qu'on appelle" les réformes sociales.»

Politique de Johnson: «aider le peuple et le gouvernement du Sud-Vietnam à gagner leur combat contre la conspiration communiste dirigée et soutenue de l'extérieur» par une assistance en matière d'entraînement et sans usage direct de la force militaire américaine. – «Mais Johnson donnait aussi son aval à l'élaboration de plans d'action clandestine contre le Nord-Vietnam, qu'exécuteraient des forces sud-vietnamiennes soutenues par la CIA. Proposé pour la première fois à la conférence d'Honolulu du 20 novembre 1963, ce projet serait baptisé par la suite "opération Plan 34A"» (MN 109)

Outre ces opérations clandestines (inefficaces), l'équipe du président Johnson (McNamara, Dean Rusk et Mac Bundy) réalise l'échec probable de la stratégie d'entraînement, et penche peu à peu, "presque imperceptiblement", pour l'approbation de l'usage direct de la puissance militaire américaine.


Daniel Ellsberg: «I believe that Lyndon Johnson did not want to be accused of losing Vietnam, of being weak, of being weak on Communism, being weak on militarism, not being sufficiently militaristic. And as he put it to Doris Kearns, being accused of being unmanly—an unmanly man. I think he was prepared to take the chance, which was a very high chance which took place, of getting into a way which would destroy his presidency and make it impossible for him to run again, as Korea made it impossible for Truman to run again, even if he’d wanted to.» (panel discussion, 2002)

Le 7 janvier 1964, dans un mémorandum au président, McNamara entérine une fois de plus la théorie des dominos:

¬ En Asie du Sud-Est, le Laos tomberait presque certainement sous la domination nord-vietnamienne. Le Cambodge pourrait présenter une façade de neutralité mais accepterait en réalité la domination de la Chine communiste. La Thaïlande deviendrait très fragile, et la Malaisie, déjà troublée par l'Indonésie, aussi. (...) Le Sud-Vietnam est à la fois un test de la fermeté américaine et, plus précisément, un test de la capacité américaine à faire face aux «guerres de libération nationale». (MN 113)

Le 22 janvier 1964, les chefs d'état-major présentent un mémorandum (de deux pages et demie) qui recommande "un programme d'actions plus vigoureuses" – constituant, de fait, "un changement révolutionnaire de la politique des Etats-Unis". Johnson demande des "propositions précises". Les militaires vont commencer à les élaborer le mois suivant, "en priviliégiant des plans d'attaques aériennes américaines contre la piste Ho Chi Minh".

«Sous la pression des événements et sans avoir clairement compris où nos actes risquaient de nous mener, nous avions commencé à changer d'orientation.» (MN 117)

29 janvier 1964: le général Nguyen Khanh prend le pouvoir au Sud-Vietnam. Petit, énergique et rusé, diplômé d'un centre de formation militaire américain, cet homme de 37 ans "avait une vaste expérience militaire mais ne savait rien de la politique et des questions économiques". Johnson conclut qu'il faut en faire «notre homme»: «Bob, je veux voir un bon millier de photos de vous avec le général Khanh, où vous aurez un grand sourire, saluerez de grands gestes des bras et montrerez bien au peuple là-bas que notre pays est totalement derrière Khanh.» (MN 118)

16 mars: de retour de Saigon, McNamara fait son rapport au président. Il considère le gouvernement de Khanh comme peu sûr, et recommande de ne pas lancer d'attaques aériennes. – Il est toutefois d'accord pour "commencer à élaborer des plans de raids aériens contre le Nord". Les chefs d'état-major, eux, souhaitent mettre en œuvre "toute la puissance concentrée des Etats-Unis". (MN 120)

24 avril: McNamara fait une déclaration publique "impulsive et malvenue": "Je n'ai pas d'objection à ce qu'on appelle [cette guerre] «la guerre de McNamara». Je pense que c'est une guerre très importante et je suis heureux d'y être identifié." (MN 123)

13 mai: rencontre avec Khanh à Saigon. Il souhaite que les Etats-Unis engagent des bombardements contre le Nord-Vietnam, puis change d'avis. «Cabot Lodge fut en désaccord total. Il voulait frapper vite le Nord. Il disait aussi qu'un autre coup d'Etat pourrait renverser Khanh, auquel cas "les Etats-Unis devaient être prêts à gouverner le pays, peut-être à partir de la baie de Cam Ranh".» ((Apocalypse Now?))

«Face aux sombres estimations de la CIA et aux pressantes recommandations des chefs d'état-major, le président demanda aux départements d'Etat et de la Défense de préparer un plan politico-militaire intégré pour une action graduée contre le Nord-Vietnam. (...) Telle fut l'origine de ce qui allait devenir la résolution du Golfe du Tonkin


-- [AK] André Kaspi: Les Américains, Paris, 1986.

-- [NC] Noam Chomsky: Intervention in Vietnam & Central America (dans: De la guerre comme politique étrangère des États-Unis, Marseille, 2001).

-- [HK] Henry Kissinger: Diplomacy, New York, 1994. (Diplomatie, Paris, Fayard, 1996)

-- [MN] Robert McNamara: In Retrospect. The Tragedy and Lessons of Vietnam, 1995. (Seuil, 1996)

[ index | 1969 | VIETNAM ]